Échos > 2019 > Je n’ai jamais entendu ça de ma vie" : sous les éoliennes, son quotidien est impossible
France
Photo d'illustration d'éoliennes − Sebastian Grochowicz @UNSLAPSHPLANÈTE
28 nov. 18:00 - Caroline Quevrain
"Quand elles ne tournent pas, c’est le paradis : c’est ce que j’appelle le silence maintenant." Pour Hubert, tout fait sens en 2010 lorsqu’il réalise que le bruit qui l’empêche de dormir depuis deux ans provient des éoliennes installées en périphérie de son village de Haute-Loire. Là, c’est le choc : "Je ne pouvais pas soupçonner que le bruit que j’entendais était celui des éoliennes. Au départ, j’étais comme tout le monde, j’étais pour leur installation." À Saint-Julien Chapteuil, cette commune de 1 800 âmes où vit Hubert dans une ferme isolée, au moins cinq riverains se sont déjà plaints de nuisances sonores provenant de ces éoliennes installées en périphérie. Aucun n’a usé de recours. "Ils souffrent mais ne disent rien."
Son quotidien, le sexagénaire commence alors à le coucher sur papier. Dans un journal actualisé chaque jour pendant quatre ans, il raconte. "Dimanche 13 juin 2010 : Couché minuit. Relevé 2h45 (bruit dehors insupportable)", "Samedi 10 juillet 2010 : Je note : ‘Pas de bruit ce soir.’" Ou encore : "Je n’ai jamais entendu ça de toute ma vie, c’est très spécial, ça ‘rentre dans la tête’." Voilà maintenant dix ans que les infrasons générés par les pales rythment ses journées : "Je vis en permanence pour leur échapper. Quand elles tournent très vite, je n’entends plus, mais elles tournent rarement très vite. La plupart du temps, elles tournent moyennement et c’est l’enfer."
Or, les campagnes réalisées par l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, "montrent que ces infrasons sont émis à des niveaux trop faibles pour constituer une gêne et encore moins un danger". Hubert le confirme, "les extrêmes-basses ne sont pas entendues par tous ". Dans son propre cas, "ça ne tient à rien, c’est juste un dépassement de seuil." Une perception bien trop subjective pour être reconnue autant dans la loi que par les élus et les professionnels de santé. Ainsi, le conseil régional d’Auvergne Rhône-Alpes a concédé ne rien pouvoir faire dans le cas d’Hubert. Même son de cloche du côté du ministère de l’Ecologie. "C’est psychologique", lui dit-on.
C’est en 2012 qu’Hubert trouve une combine lui permettant d’échapper à ce bruit, inaudible mais permanent. "Le seul moyen que j’ai trouvé, c’est de provoquer une vibration à l’aide d’un extracteur d’air. J’ai installé un tube en fer qui provoque du bruit à hauteur de 60 décibels. Le bonheur, j’ai pu dormir à nouveau." Ce qui ne l’empêche pas de faire les frais de ces deux ans d’insomnies. Son médecin lui prescrit plusieurs arrêts de travail, d’une durée totale de quatre ans, pour cause de "syndrome éolien", un symptôme déjà pris en compte par l’Académie de médecine mais non reconnu comme cause directe du mouvement des pales. "J’ai eu de la chance, je suis fonctionnaire : j’ai usé de toutes mes aides. Aujourd’hui, je travaille à nouveau mais je suis sur le fil du rasoir. Je pense que je me suis désensibilisé l’oreille droite, à force." Pourtant, toutes ces années, déménager n’a jamais été une option. "Pour aller où ? Il y a des éoliennes partout là où j’aurais pu atterrir." Aujourd’hui, Hubert a renoncé à solliciter les pouvoirs publics. "Je ne veux pas d’argent. Je veux pouvoir me promener dans ma maison, sans bruit."